Les récits biographiques de Serge Edgard

Mil / · Sujet: Les récits biographiques de Serge Edgard Mar 6 Jan 2009 - 0:25

Récits biographiques de Serge Edgard

Narrateurs : Askelaad sera le principal narrateur des récits biographiques de Serge Edgard. Etant un ours, il n’a aucune aptitude pour l’écriture. Fort heureusement, il a un ami de la faune qui sait lire et écrire. Askelaad conte la vie du Banni, et son compagnon de littérature le retransmet. L’ours brun oscille entre la première et la troisième personne du singulier.
Les évènements où l’animal n’a pas pris part sont racontés d’un point de vue extérieur, à la troisième personne du singulier, par quelqu’un qui semble suivre Edgard depuis sa naissance. Seul l’ami animal d’Askelaad sait qui c’est, car la mystérieuse personne lui dicte également des faits à consigner.

Méthode d'écriture : Par choix littéraire, j'ai choisi d'écrire ces histoires sous un schéma de roman. C'est-à-dire, sans code couleur, sans interlignes entre les paroles. Bonne lecture.

Préface :
Serge Edgard est différent des autres bipèdes. Son amour immodéré pour la liberté lui a conféré une part d’animalité. Un être étrange qui a été jusqu’à quitté sa famille pour vivre au mieux cet amour. Un homme fascinant, impénétrable, que même mon instinct animal n’arrive à sonder. C’est le seul être parmi les Anges, les Juges, les Démons et les Bannis à m’avoir fait cette impression. Peut-être que ses pairs ne le reconnaissent pas comme tel, mais je trouve que ce fut l'un des plus grands hommes qui soient.
Bien qu’il déblatère régulièrement quelques anecdotes sur lui-même, il n’entre dans les détails de sa vie qu’avec les gens qu’il apprécie. Ce qui est rare. Je me devais donc de laisser une trace de sa vie, de son incroyable existence. D’aborder sa manière de faire la guerre, de gérer ses relations, de charmer les femmes. De raconter ce qu’il faisait, ce qu’il était, ce qu’il représentait.
A toi, qui que tu sois, voilà l’histoire de l’homme le plus étrange que ton monde ait jamais porté.

Askelaad

Tables des matières :

Page première ( L'ours et la bête ) : Rencontre d'Askelaad et d'Edgard

Mil / · Sujet: Re: Les récits biographiques de Serge Edgard Mar 6 Jan 2009 - 0:29

Page première (L’ours et la bête)

Mon ventre me criait famine, et ce, depuis quelques jours déjà. Mon vagabondage m’avait trop éloigné de ma rivière où abonde le bon poisson. Affaibli, au bord de la mort, je me risquais à pénétrer dans le monde des bipèdes.

Aux abords d’une cité se trouvaient les quartiers pauvres. Il y avait nettement moins d’animation dans ce coin-là et je me suis dis que c’est là-bas que je courrais le moins de risque. Les habitants de cet endroit ressemblaient fort aux humains. Ne passant pas inaperçu à cause de mon imposante carrure, mes proies potentielles se réfugiaient dans leurs abris.
J’avoue avoir ressenti la tension qui pesait, une certaine peur. Ces êtres étaient dotés de pouvoirs et d’armes effroyables.

Alors que mon estomac hurlait à l’aide et faillit me faire tourner de l’oeil, je tombai enfin sur quelqu’un. Une femelle et sa progéniture, apparemment. Dès lors, je me précipitai vers ce festin. La femelle me vit arriver et mit son corps entre la petite et moi-même afin de servir de bouclier. Elle reçut mon coup de griffe en plein visage et mourut sur le coup. Elle retomba sur sa gamine, qui elle-même chuta en arrière et fracassa son fragile crâne contre le sol.
L’odeur du sang m’excitait, je me léchai les babines et, ni une ni deux, entamai mon repas. Enfin de la chair tendre à ingurgiter.

Alors que je me remplissais goulûment la panse, on vint m’interrompre.
Un nuage de fumée apparut devant moi, mon instinct animal me dicta méfiance. Quelque chose de terrible se trouvait dans cette émanation gazeuse.
Une bête.
Aussitôt, je m’éloignai de mon repas d’un pas prudent, tout en montrant les crocs.
Un bipède en sortit, les cheveux bruns mi-longs, un couteau rangé dans une gaine à la ceinture. Il resta debout face à moi. C’était dérangeant car je sentais qu’il ne ressentait aucune peur face à moi, malgré que je sois une véritable force de la nature, un ours brun de trois mètres de haut et de six cent cinquante kilogrammes. Il se contenta de regarder les cadavres grignotés de la femme et de la fillette avant d’en détourner rapidement les yeux pour poser sur moi son regard.
- Je ne t’en veux pas pour ça. C’est la loi de la nature.
Ce fut les premiers mots qu’il m’adressait. Effectivement, à cette époque, mon comportement m’avait paru tout à fait normal. Je mangeais ce que je tuais, contrairement aux bipèdes qui tuaient souvent pour le plaisir.
- Mais je dois t’arrêter, cette communauté est la mienne et je me dois de t’empêcher de lui faire plus de mal.
Son regard pressant et le ton placide de sa voix m’agaçaient. Alors, je chargeai. Arrivé à proximité, je me mis sur mes deux pattes arrière pour l’intimider de toute ma hauteur, mais il ne fléchit point. Comprenant qu’il n’était pas un être impressionnable, je passai à l’offensive. Ma patte fendit l’air. Et ne fendit d’ailleurs que l’air. Le bipède avait disparu comme il était apparu, dans un nuage de fumée. Je sentis une lame me transpercer les côtes et je fis alors volte-face. Il sembla surpris que je sois si rapide par rapport à ma corpulence. Le Banni n’eut pas le temps de disparaître, le revers de ma patte lui luxait déjà l’épaule. Poussant un cri de rage, je continuai sur ma lancée. Je me jetai sur lui alors qu’il était au sol. Au lieu de se protéger, il m’accueillit avec un coup de couteau dans le ventre, puis un second, et enfin un troisième placé dans la poitrine avant de disparaître. Sa faculté avait le don de fortement m’énerver. Le bipède utilisa à nouveau sa téléportation et je sentis soudain un poids sur mon dos. Puis, ce fut sa lame réchauffée par la température de mon sang que je sentis. Heureusement, mon épaisseur était une bonne protection. Mais si je continuais ainsi, je n’en aurais plus pour très longtemps. J’exécutai alors une embardée et il fut violemment projeté contre un mur. Pendant un moment, je le crus mort car il ne faisait plus aucun mouvement.
Mais il se releva.
Tous deux essoufflés et fortement blessés, nous restâmes longtemps à nous regarder droit dans les yeux.
Au fond de moi, je sus que cet homme me plaisait bien. Et je lus dans son regard qu’il pensait la même chose de l’ours que j’étais. Il rangea son arme. Je m’approchai de lui, il ne broncha point. Alors que ma gueule était à quelques centimètres à peine de sa tête, il se contenta de me fixer. J’aurais pu le déchiqueter d’un coup sec des mâchoires. Au lieu de cela, je collai mon front contre le sien et là, il daigna bouger. Le bipède me flatta l’encolure.
Le combat était fini.
- Je m’appelle Edgard. Et toi, n’as-tu pas de nom ?
La question me parut étrange. Nous, dans le monde animal, n’avions pas l’habitude de porter de patronyme. D’un air décidé et fier, Edgard me dit alors.
- Désormais, tu seras Askelaad.
Ce fut le début d’une amitié sincère.