Vous vous êtes autrefois intéressé à la sœur, Lylith. Elle vous a intrigué, elle vous a raconté son passé malheureux, ses actes de bravoure et son changement de vie. Maintenant, nous nous focaliserons sur celui qui serait dit le ‘chanceux’. Qui a tout reçu. Que ce soit l’amour, mais aussi la haine. Les deux personnes auxquelles il attache le plus d’importance le haïssent. Sa sœur, et lui-même. Mais racontons donc son histoire dans l’ordre, voulez-vous ?
Lui aussi possède une marque. Il n’y accorde aucune importance, aucun symbole, parce qu’elle n’est pour lui qu’une simple tâche de naissance entravant la peau de sa nuque. Tout ce qu’il voit autour de lui, c’est sourire d’amour, de bonheur, rires et joie. Il se plaît dans ce monde, lorsqu’il est enfant. Ses yeux innocents voient l’amour partout. Le malheur n’existe pas. Puis, pour la première fois de sa vie, il voit son père frapper sa jumelle. Mais pourquoi ? Quelle énorme bêtise peut-elle bien avoir fait pour mériter aussi odieuse punition ? Elle est pourtant si sage ! Puis il s’aperçoit qu’elle nettoie la cuisine. N’est-ce pas la le travail de maman ? Pourquoi cire-t-elle les bottes de papa ? Mais pourquoi possède-t-elle de grosses marques sur son visage ?
Raziel ne comprit que vers l’âge de cinq ans, que son petit bonheur n’était pas partagé par celui de sa sœur. Bien au contraire ! Il était censé dormir dans sa chambre, mais se demandait pourquoi celle de sa jumelle était toujours ouverte. Descendant doucement les escaliers, il assista alors à sa première dispute. Il ne put retenir des sanglots en se rendant clairement compte de la maltraitance vis-à-vis de Lylith. Mais était-ce là une raison pour l’éviter ?
« Non Lyl’ ! Je ne suis pas comme eux ! Je ne veux plus qu’ils te frappent, ils n’en ont pas le droit ! »
C’est à partir de ce jour que tout sourire qui se dévoilait pour lui, ne signifiait plus de l’amour, mais trahissait de l’hypocrisie. Pour lui, les gens n’étaient que des... salauds. Chaque cris que poussait sa sœur lorsqu’elle rentrait était un coup de couteau dans son ventre. Le garçon se levait, il voulait aller la voir. Lui parler, lui demander pourquoi, pourquoi avait-elle aussi peu de chance ! Mais elle partait. Lorsqu’elle le voyait, elle partait. Elle l’évitait. Il la suivait toujours, meurtri à l’idée de devoir presque espionner sa sœur dans l’espoir de veiller sur elle, alors que sa présence n’était pas acceptée dans le champ de vision de sa jumelle. Mais il était normal qu’elle le remarque. Il avait des ailes noires dans le dos qui le suivaient partout où il allait. Alors elle disparaissait. Comment ? Il l’ignorait. Il ne savait pas comment elle faisait pour partir aussi vite, comme si elle en avait l’habitude… Il en venait à faire usage à la seule magie qu’il gardait secrète, et qu’il appréciait vraiment tant elle définissait ses origines démoniaques. Elle n’était pas dangereuse, loin de là, mais sa sœur n’aurait jamais pu se douter que c’était un chien banal qui la suivait, et que cet animal était en vérité celui de son frère. Raziel avait trouvé ce chien errant, un beau jour d'hiver, et avait décidé de le recueillir. Mais attention, illégalement. Bien qu'il savait pertinemment que ses parents seraient d'accord, il ne voulait le dire à personne. Cet animal serait le petit secret du garçon, pour la simple et bonne raison qu'il se sentirait plus complice avec, et parce que le chien pourrait alors veiller sur sa sœur sans qu'elle ne se doute de quoique ce soit...
Parfois, le soir, Lyl’ devait monter se coucher très tôt. Contrainte de ses punitions habituelles si elle n’obéissait pas, elle s’exécutait. Et malgré ce que pouvait croire qui que ce soit, il y avait des nuits où Raziel ne dormait pas. Elles étaient les mêmes nuits que celles de sa sœur. Il était collé au mur, assis sur le sol, dans le noir. Ses mains tripotaient nerveusement son tapis, et il gémissait en écoutant les sanglots de sa sœur. Il pleurait, suppliait en silence qu’elle s’arrête, et voulait faire quelque chose. Parfois, il voulait agir. Il lui arrivait de se lever, déterminé, puis d’ouvrir la porte de sa chambre. Alors, il errait dans le couloir en tentant d’être le plus discret possible. Il savait que si ses parents le surprenaient, ils trouveraient le moyen de mettre cette petite escapade sur le dos de Lyl’. Le garçon se tenait ensuite près de la porte fatidique de la chambre de sa sœur. La main sur la poignée, il l’entendait moins sangloter. Moins que lorsqu’il était dans sa propre chambre, car leurs pièces étaient collées l’une contre l’autre, mais il l’entendait quand même. Parfois, il osait abaisser la poignée, puis il s’arrêtait. Il redoutait qu’elle le repousse. Il avait peur qu’elle lui en veuille, pour une raison qu’il ignorait totalement. Il avait tellement peur de ce que les gens pensent d’elle, de la déranger et d’accentuer sa tristesse. Il voulait bien faire, mais il était terrifié. Alors, cédant à ses propres larmes, il lâchait la poignée de la porte. Il se retournait lentement, puis repartait en fixant le sol, trainant les pieds jusqu’à son lit. Ces nuits, où sa sœur se sentait mal, il l’était lui aussi.
Ces jours, où sa sœur était triste, il l’était lui aussi. Plus il la voyait blessée et lointaine, plus il voulait l’approcher. Mais cette barrière qu’elle avait érigée entre eux, pour se protéger, le stoppait net dans sa course folle de l’amour. Il était restreint à ne jeter que quelques coups d’œil vers elle, à prier de toutes ses forces pour qu’elle fuit ses parents, pour qu’elle n’accorde ne serait-ce qu’un simple sourire. Au point même où il sentait une sorte de maladie naître en lui. Son sceau le forçait à garder la gentillesse et le charme inné qui le rendait tant populaire et aimé. Mais son âme pensait le contraire de ce qu’il faisait. Il avait sans cesse l’impression de devenir fou, et la pression de son cœur s’accentuait à chaque fois qu’il rendait un sourire tout aussi hypocrite, ou s’abandonne dans les bras monstrueux de sa mère. Elle le répugnait, il ne voulait pas, mais il ne pouvait refuser. Comme il ne pouvait pas dire non aux demandes, comme il ne pouvait pas forcer sa sœur à lui parler. Mais jamais il ne pouvait penser à la mort ! Il ne lui suffisait que de se dire ce mot dans la tête, pour que le sceau se mette à le démanger. Il pleurait si souvent, alors que sa jumelle devenait beaucoup plus forte. Elle s’éloignait aux cotés de jeunes mutants, en qui le garçon n’avait pas totalement confiance. De la confiance ? Non… il éprouvait même une atroce jalousie envers cette nouvelle bande d’amis. Il voulait être à leur place, parler à Lyl’ aussi naturellement qu’ils le faisaient, et pouvoir lui déclarer à quel point il aimerait la protéger… Chose qu’il était incapable de faire.

Son cœur meurtri s’en retrouvait saignant de larme, lorsqu’un jour il aperçut sa sœur posée sur les marches de l’escalier, en train d’enlever ses chaussures. Elle se faisait encore gronder par sa mère, et il craignait qu’elle ne se fasse frapper. Non, pas devant lui ! Ils ne pouvaient pas faire cela devant lui ! Cependant, malgré ce que pouvait penser Lyl’, le garçon lui avait quand même évité beaucoup de moments désagréables. Pas assez, hélas, mais il lui était facile de lui en éviter quelques uns. Il lui suffisait simplement d’attirer l’attention des parents, au moment où ceux-ci allaient laisser place à leur colère. C’étaient là les rares fois où Raziel se servait de cette hypocrisie qui naissait en lui, dans l’espoir de protéger un minimum sa sœur. Elle n’en savait rien, elle n’en saurait jamais rien. Il s’était approché d’elle pour s’interposer, et tendre les bras à sa mère. Il savait que sa simple présence suffisait à calmer ses parents et à les faire sourire. Sa sœur le haïssait pour ça, et même s’il n’avait toujours pas renoncé à gagner son amour, il préférait la dégouter, plutôt que de la voir se faire battre. Mais avant même qu’il n’ait pu faire quoique ce soit, sa mère cria. Il regarda dans la même direction qu’elle, et ouvrit la bouche sous la stupeur. Sa jumelle possédait une énorme marque rouge sanglante sur la nuque ! Tout d’abord, la colère gagna le garçon qui pensait que ses parents étaient l’origine de cette blessure. Ou même un camarade d’école. Et l’adrénaline montait en lui. Il savait qu’il agirait si c’était le cas, s’il trouvait le coupable, peu importe s’il fallait briser cette carapace ! Mais… Il comprit ensuite que ce n’était pas le cas. Sa mère hurlait anormalement de frayeur, et elle avait envoyé Lyl’ dans sa chambre, sans crier gare. Pourtant, aux yeux de Raziel, cette plaie n’était pas si affreuse. Elle lui semblait sombre, maléfique, mais pas répugnante. Il était en même temps attiré par cette marque, qu’il était repoussé par la sienne. Il porta la main à sa nuque, puis toucha sa propre tâche. Pourquoi avait-il eu droit à quelque chose de plus discret ? Pourquoi n’avait-il pas la même marque ? Et pourquoi préférait-on la sienne ? Il révulsait profondément la sienne, mais il voulait en savoir plus sur celle de sa sœur. Des hypothèses germèrent en même temps dans son esprit. Il ne vit pas venir sa mère qui posa une main sur son épaule et qui lui demanda s’il voulait encore un peu de gâteau.
- « Oui maman. Avec plaisir. » Répondit-il alors qu’il se maudissait encore une fois de ne rien faire.
Mais cette fois, ça n’allait pas se passer ainsi. La faute était trop grave, et il avait tellement à dire, à se faire pardonner. Son cœur meurtri allait peut-être enfin trouver un peu de réconfort, et ce en essayant de panser quelques plaies du cœur de sa jumelle ? Il était parti se coucher en même temps qu’elle. Elle ne pleurait pas, pourtant il savait qu’elle ne dormait pas. Il le sentait. Il savait qu’il sentait des choses d’elle que n’importe qui ne pouvait pas sentir. Elle devait le savoir, ressentir la même chose, puisque c’était lié à leur lien qui les unissait. Des jumeaux, c’était deux moitiés dans une même âme. Il avait passé toute la soirée à réfléchir sur ce qu’il allait dire, à se donner du courage et surtout à ignorer la démangeaison de son cou. Il devait y aller, et la lâcheté n’était plus tolérée ! Le garçon se leva de son lit propre, puis il mit ses chaussons. Il ouvrit doucement la porte de sa chambre, avant de se diriger d’un pas confiant vers celle de sa sœur. Là, il ouvrit doucement et sans hésiter la porte de cette dernière, qu’il referma aussitôt derrière lui.
Il se retrouva face à elle. Il avait raison, elle ne dormait pas. Elle le fixait, comme il la fixait, d’un regard à la fois surpris, triste mais en même temps rassuré. Il avait attendu tout ce temps pour venir, mais maintenant il était là. Il devait se lancer. Cette fois il ne lui ferait plus de mal. C’était terminé, plus de peur !
- « Je n’ai jamais compris pourquoi les parents tenaient temps à nous séparer l’un de l’autre ? Je passais toutes mes journées, toutes mes nuits à y penser sans jamais y trouver de réponses. Les rares fois où je parvenais à t’approcher tu te faisais battre, j’ai finis par renoncer. » Murmura t-il en réfléchissant en même temps. Il jeta par la même occasion un coup d’œil derrière lui pour s’assurer qu’il n’y avait aucun bruit de pas à l’extérieur, puis il continua. « Par contre je n’ai jamais cessé de te surveiller et de te suivre, même si tu parviens toujours à me semer, d’ailleurs je me demande comment tu y arrives… passons ce n’est pas important. J’ai autre chose à te dire… »

Il allait réussir à lui avouer ce qu’il avait sur le cœur. Il le savait, il pouvait le faire. Mais avant même qu’il n’ouvre la bouche pour continuer, le ton plus sec de sa sœur le cloua sur place, et il écouta sa sérénade avec un pincement au cœur.

- « J’ai compris ce soir que tu ne me voulais pas de mal contrairement à ce que j’ai longtemps cru, je t’en voulais, je te méprisais et pourtant j’étais triste d’être séparé de toi mais la jalousie entraîne des comportements irrationnels. Pour tout ce que j’ai pu penser de mal à ton égard j’aimerais que tu me pardonnes, j’aimerais que tu me comprennes et qu’on nous laisse être des jumeaux… Tu me manquais atrocement surtout quand venait la nuit et que j’étais enfermé seule ici dans le noir et le froid, j’aurais aimais tes bras pour me rassurer. »

Il ne put s’empêcher de se mordre la lèvre. Mais trop tard, les larmes montaient dans ses yeux. Il lui avait fait beaucoup plus de mal qu’il ne le pensait. Son enfance à lui aussi en fut malheureuse, mais cette fois il était là, devant elle. Ce n’était pas à elle de lui pardonner, mais bien à lui de se faire pardonner. Le sceau lui démangeait plus que tout, mais il trouvait la force de l’ignorer dans le regard de sa jumelle. Alors, d’un geste que l’on aurait pu qualifier de normal chez lui, il s’avança et la prit dans ses bras. Comme à chaque fois qu’il faisait quelque chose de simple, de gentil et d’attachant, son âme aurait du en prendre un coup. Cela aurait pu être l’effet de sa marque qui le pousse ainsi. Pourtant… Pourtant il ne s’en voulait pas. Pas cette fois. Combien de jours avait-il rêvé de ce moment ? Pour la première fois de sa vie, il était en paix avec lui-même ! Et l’odeur… Le toucher de sa sœur lui était si agréable qu’il en ferma les yeux pour humer son parfum de frayeur et de réconfort.

- « Comme ceci ? » Lui demanda-t-il.
- « Oui… c’est parfait! »

Parfait… voilà un mot qui ne pouvait que lui faire plaisir. Un petit sourire sincère naquit sur les lèvres de Raziel, qui garda sa sœur serrée contre lui durant de très longues minutes. Une foule de sentiments s’écoulaient en lui, comme le désir ardent de la protéger, et de l’aider à guérir ses plaies. Il avait rêvé de ce contact depuis tellement longtemps qu’il voulait maintenant en profiter plus que passionnément. Mais il finit par la lâcher, et elle posa la question qui lui venait en tête.

- « Au faite qu’est ce que tu voulais me dire ? »
Il devint pensif un court instant, puis passa la main dans les cheveux pour lui répondre avec une certaine gêne.

- « Et bien c’est à propos de ta marque, sache qu’elle se voit de plus en plus et que tout à l’heure quand tu a fuit tes cheveux balançaient j’ai remarqué pour la première fois que tu en avais une…
- Je ne vois pas en quoi est-ce un scoop ?
- Laisse moi finir je te pris. Ta marque les parents me l’on caché, mais pas que, ils t’ont aussi caché la mienne. »

Il se retourna aussitôt pour baissa la tête, et remonter ses cheveux blonds pour laisser sa nuque nue devant sa sœur. Elle put alors découvrir pour la première fois elle aussi la marque. Le sceau démangeait d’ailleurs beaucoup moins le garçon depuis qu’il s’était jeté à l’eau, comme s’il avait trouvé une nouvelle force pour surmonter l’envie de se gratter. Alors qu’il se redressait doucement, tout en s’étant encore une fois rapproché de sa sœur, il plongea ses yeux dans ceux de sa jumelle et lui accorda un sourire triste avant d’exposer son hypothèse la plus crédible.

- « Je commence à comprendre, tu sais je croix que ces symbole signifie beaucoup de choses mais c’est avant tout deux symboles opposés qui nous empêchera à jamais d’être unis. »

Le simple fait de devoir avouer cette vérité lui faisait mal. Mais il était certain d’une chose. Il ne suffisait que d’un ordre, une volonté, un souhait de sa sœur pour qu’il fasse tout pour briser cette malédiction. Il savait qu’il pouvait être uni avec elle. Il y avait forcément un moyen, et il le trouverait. Elle pouvait en être certaine. Par cette même force qui lui avait permis de lui parler, de l’enlacer et de lui dire la vérité. Il aurait aimé l’embrasser sur le front, mais un bruit de pas attira son attention. Le garçon ayant l’habitude de guetter les bruits de ses parents, à chaque fois qu’il se trouvait devant la chambre de sa sœur la nuit, il se redressa rapidement. Il ne fallait pas attirer d’ennuis à Lyl’ ! Raziel lui lança un rapide baiser avec la main, lui chuchotant bonne nuit par la même occasion. Puis il sortit le plus discrètement et rapidement possible pour rejoindre son lit. Quelques secondes plus tard, son père était devant la chambre de sa sœur.

…

C’est ainsi qu’il passa des années à chercher un moyen à briser ce sceau, et à essayer d’approcher à nouveau sa sœur. Il la suivait parfois en tant que boxer, mais ne pouvait se permettre de la voir de trop près en publique. Ce serait elle qui en pâtirait. À l’âge de 21 ans, alors qu’il rentrait chez lui après avoir aidé le menuisier à couper du bois, il accueillit les visages souriants et hypocrites de ses parents. Alors que ces derniers l’embrassaient, ils lui apprirent la ‘bonne’ nouvelle. Lylith était partie…
Raziel passa la soirée à pleurer comme un enfant, seul dans sa chambre. Il n’avait jamais ressenti une blessure aussi énorme s’ouvrir dans son cœur en sentant sa jumelle aussi loin de lui. Son sceau avait depuis fait blanchir ses ailes, et changé la couleur de ses yeux. Il était devenu un ange, travaillant pour le bien. Il eu alors la compagnie d’un étrange animal qui vint lui chatouiller les chevilles. Sursautant de peur, son premier réflexe fut de se dresser sur le lit pour regarder autour de lui. Il aperçut un lézard, qui s’était faufilé dans sa chambre par la fenêtre ouverte. Ce dernier était vif comme un éclair, et avait planté son regard dans celui de Raziel. Quel message pouvait-il bien lui faire passer ? Puis il sortit rapidement pour reprendre sa liberté. Quelques secondes plus tard, l’ange l’avait suivi. Le lendemain, il n’y avait plus aucune trace de Raziel, qui s’était lancé à la recherche de sa sœur en titre de détective…
Lui, et Touffou le chien...