La formation d'un Fantassin

Mil /

† Sommaire †

Chapitre 1 : les bases à l'épée
Chapitre 2 : équilibre et précision sont moteurs de force
Chapitre 3 : l'arme la plus fidèle au monde (à venir)
Chapitre 4 : les bottes du maître (à venir)
(suite en édification)

La formation d'un Fantassin Journa10

~ Introduction ~

C'est durant son apprentissage afin de devenir un Fantassin qu'Aedlan tint ce journal, lorsqu'il rentrait en compagnie de son maître d'armes, il restranscrivait intégralement les enseignements de ses journées afin de ne jamais oublier et de travailler sa mémoire. Ce journal se trouve désormais dans les archives secrètes de la bibliothèque : tout le monde ne peut pas s'informer facilement sur un Fantassin.

Mil /

‡ Chapitre 1 ‡
les bases à l'épée

Ce jour-là était le premier de mon entrainement. Le maître m'avait emmené dans une cour sablonneuse à l'intérieur d'un bâtiment en ruines, c'est ici qu'auront lieu tous mes exercices à l'avenir, jusqu'à mon intégration de l'Ordonnance Absolue. Le maître, dont je n'avais toujours pas vu un seul centimètre de peau sous ses longs vêtements sombres et sa grosse capuche, avait amené avec lui deux épées de bois. Des armes d'entrainement qu'on distribue habituellement aux novices.

"Les épées de bois ne sont pas équilibrées et peuvent parfois se montrer plus lourde que celles en acier, elles permettent donc de préparer correctement aux futurs affrontements." avait-il expliqué.

Il m'en lança une, je l'attrapait avant de sentir mon bras faible et maladroit s'écrouler sous le poids de l'arme. Je ne sais toujours pas pourquoi, mais mon entrainement n'avait porté que sur des épées longues, massives et lourdes. La différence principale d'une épée longue par rapport aux fines lames, en dehors du poids, est la puissance d'inertie. Je compris rapidement en portant mes premiers coups que l'on se fait facilement emporter dans le mouvement d'une telle arme, et qu'ainsi on peut rapidement ouvrir une brèche dans notre défense. Le coup se doit alors d'être précis, assez puissant pour trancher mais pas assez pour pouvoir être ramené. C'est l'une des bases du maniement de l'épée : savoir maitriser sa force et son équilibre.

"Tu dois tenir ton épée fermement à deux mains. Sur la poignée, une main juste au-dessus du pommeau et l'autre sous la garde, de cette main-ci tu place ton pouce sur la chappe, ça te permettra d'être précis et d'appuyer tes coups. Tiens fermement ton arme, elle n'est pas un ajout, c'est l'allonge de tes bras. Si tu tremble, tu manqueras de précision et de puissance, mais surtout tes adversaires te désarmeront facilement."

Je m'appliquais tant bien que mal, ne comprenant pas toujours certains mots. Comme la chappe, mais le maître n'était pas un imbécile buté et il m'expliqua que ce mot désignait la partie non aiguisée à la base de la lame. Avec un sourire, le regard déterminé, je brandissait l'épée devant moi, tremblant tout de même un peu à cause de la masse. Il se mit lui aussi en garde et me demanda de l'attaquer.
Je m'exécutais. Sans expérience, ma première idée fut de lever l'épée au-dessus de moi, courant vers lui, et de l'abaisser une fois assez près. Le maître ne bougea pas, il me laissa le charger, j'abaissais alors ma lame et... j'entendis un fracas sourd puissant avant de sentir mon arme quitter mes mains pour atterrir dans mon dos.

"Si tu porte un coup verticale de la sorte, assures-toi de toucher ta cible avec le bout de ta lame, sans quoi elle sera parée et il arrivera chaque fois ce qui vient de se passer. Sinon, saches que cette manoeuvre est très dangereuse, il aurait était simple de te porter un estoc."

L'estoc est une technique qui consiste à brandir violemment la lame vers l'avant, courbant le corps pour prendre d'autant plus d'allonge. Récupérant ma lame en bois, je repartais à l'assaut, revisitant ma technique d'approche. Je gardais mon épée face à moi et je chargeais à nouveau, faisant un pas sur le côté avant de balancer ma lame des deux mains comme pour trancher. Le bruit sourd se fit à nouveau entendre, des vibrations parcourant mes bras, mais je ne lâchais pas cette fois. Je ne m'étais pas attendu à vaincre si facilement mon maître qui venait de parer sans effort mon attaque.

"La technique que tu viens d'utiliser s'appelle la taille, bien que tu l'ais mal faite. Pour qu'elle soit correcte, il te faut prendre plus d'élan avec ton arme, là tu as porté le coup en ayant l'épée placée devant toi, même si je n'avais pas paré, mon armure l'aurait facilement bloqué."

Après ces mots, il fit un mouvement de rotation du poignet, faisant tourner les lames l'une dans l'autre. je sentis mes poignets se tordre et je lâchais prise sous la douleur, puis il pointa son épée sous ma gorge.

"Ne lâche jamais ton arme. Si tu es désarmé, considères-toi comme mort. Afin d'éviter ce genre de choses, penses toujours à ne pas laisser ta lame sur celle de ton adversaire, et si quand bien même il se produit une technique de désarmement, n'essaies pas de dégager ta lame, tu ne feras que l'emprisonner encore plus, et non seulement tu seras désarmé mais ton adversaire pour l'utiliser."

"Qu'est-ce que je dois faire alors ?"

"Il faut que tu capte le mouvement et que tu le suives, de cette façon tes poignets ne seront pas torturés et tu auras même peut-être la possibilité de faire avancer ta lame."

Nous poursuivîmes le restant de la journée, et je pris beaucoup de coups, sans jamais pouvoir toucher ou effleurer mon maître. A la fin de la journée, j'étais couvert de bleus et de bosses.

"La dernière chose que je voudrais te dire pour aujourd'hui, c'est qu'il est impératif que tu conserve ton sang-froid au long d'un combat. Si tu t'énerve, tes coups seront plus puissants mais tu perdras en précision et en contrôle de l'équilibre. La rage a parfois l'effet de se faire surpasser un combattant, mais uniquement si celui-ci est déjà apte à se battre de façon correcte. Ca fait beaucoup de choses à apprendre et à comprendre, je ne te demande pas de mettre mon enseignement en application si tôt, il va te falloir du temps et beaucoup de pratique."

Ce soir-là, malgré mes blessures et mon corps encore faible après ces années de privations et de survie difficile, je partis m'entrainer dans le sous-sol de la résidence du maître.

Mil /

‡ Chapitre 2 ‡
équilibre et précision sont moteurs de force

Je maîtrisais mieux le maniement de l'épée déjà, et je ne tremblais plus. Cependant le maître trouvait que j'avais encore beaucoup à faire pour que mes coups soient efficaces. L'exercice du jour était un peu inhabituel : je devais couper une pomme en son plein centre, sans trancher la planche de bois dessous. Ca me paraissait impossible. Autant dire que j'ai fait assez d'erreurs pour fournir du bois à la cheminée pour tout l'hiver prochain et assez de pomme pour ouvrir un commerce de compotes. Voyant que je n'y arriverais jamais de la sorte, mon maître s'approcha et me prit les bras, accompagnant mon geste. Cette fois-ci, la pomme tomba, séparée en deux, mais pas la planche. Je regardais mon instructeur comme si je le voyais pour la première.

"Tu n'y arrives pas tout simplement parce que tu penses à couper la pomme. Il faut que tu te concentre plutôt sur le fait d'épargner la planche de bois. Tes bras feront l'action que tu leur ordonne : couper ou s'arrêter."

Je faisais 'oui' de la tête avant de me remettre au travail. Mes bras ne firent pas immédiatement ce que je voulais mais la maîtrise fut tout de même rapide. Je passais alors à l'exercice suivant : faire pénétrer ma lame dans un sac de farine au-dessus de ma tête. Ca peut paraître simple comme çà, mais en fait si on fait trop entrer la lame, le sac se déchire et la farine nous recouvre. J'étais entièrement blanc, les yeux me piquaient, mais j'y parvint en me concentrant.

"Garde en mémoire cette sensation, car la longueur de lame que tu as dût faire entrer tout juste dans le sac correspond à la longueur dont tu auras besoin pour porter tes coups de taille."

Le dernier exercice était le même que le premier, à savoir trancher une pomme en deux sans endommager le bois qui la supporte, mais en courant. La lame étant lourde, j'eus beaucoup de mal à associer ma force de frappe avec l'élan de la course. Je m'acharnais ainsi à porter un coup horizontal normal une fois arrivée devant ma cible.

"Tu t'y prends mal encore. Réfléchis, avant tu étais immobile, maintenant tu bouge, qu'est-ce qu'il te faut ajuster ?"

Prenant un instant pour réfléchir aux paroles du maître, je comparais la puissance d'inertie. Au final, je compris que l'élan que je donnais avant avec mes bras, je le faisais maintenant avec mes jambes en courant, il me suffisait donc de positionner mes bras et de ne pas les bouger. C'était un bon début, mais ajuster une position rigide n'était pas aisé. Il me fallut encore une bonne heure pour réussir l'exercice.

"Cibler n'est pas suffisant. Tu dois aussi parfaire ton équilibre, pour çà je te conseille vivement de fléchir les jambes lorsque tu donne un coup. De plus, si tu es trop raid, en combat tu seras moins mobile et moins réactif."

L'entrainement se termina comme d'habitude par un combat entre le maître et moi-même. Il me laissait toujours l'attaquer en premier. Je chargeais puis je changeais de direction avant de porter le coup, paré bien entendu, puis je dégageais rapidement ma lame et je plongeais pour frapper à nouveau. Le maître esquiva, avança d'un pas et me tapa de son pommeau dans le haut du dos, je m'étalais ventre à terre. Me relevant, je vis la lame en bois de mon maître sous ma gorge, je balançais violemment ma propre lame pour dévier la sienne avant de prendre du recul et de me remettre en garde. Cette fois, il attaqua. Mes yeux suivirent sa lame, mes bras guidés par mon regard s'engagèrent dans une manoeuvre de parade, mais je vis mon instructeur changer la trajectoire de sa lame très rapidement, trop pour que je puisses réagir, et je me retrouver à nouveau la pointe de bois sous la gorge.

"Bien, ça suffit pour aujourd'hui."

Soupirant, je rentrais en sa compagnie, et m'entrainais à nouveau toute la nuit.